Le sourcier

Ce matin-là, Pieril était de mauvaise humeur. Le fait était tellement rare que son entourage se demandait pourquoi, à cause de quoi, lui, un homme d’humeur égale, qui n’élevait jamais la voix, pourquoi ce matin là n’était pas fait comme les autres matins.

    Marinotte, son épouse depuis des lustres et des lustres, revenant de soigner la volaille, commença de se plaindre que la citerne allait être vide et qu’il allait falloir recommencer à atteler les bœufs pour descendre au Mouillagol chercher de l’eau pour les bêtes.

    La pauvre Marinotte, deux ans après, se souvenait encore de l’algarade que sa plainte occasionna. Le Pieril devint rouge comme s’il étouffait et tout d’un coup, telle une bonde qui sautait, ce fut un torrent d’imprécations où se mêlait tout à la fois : le ciel, Dieu, le diable, la troisième République, la terre, enfin tout ce qui à ses yeux faisait qu’il n’avait pas plu depuis de longs mois.
« - Il faut que ça cesse, dit-il pour clore sa diatribe contre le manque d'eau au Pech. Marinotte, va me chercher tous les voisins. Il faut que l'on trouve une solution, puisque même le conseiller général à l'air de nous oublier et, dis leur, que quoi qu'ils fassent, je les attends au four communal. »

    La procédure était tellement inhabituelle que pas un ne manqua au rendez-vous.
« - Voilà, dit le Pieril, nous n’avons plus d’eau et il n’y en aura bientôt plus assez au Mouillagol pour tout le monde. De plus le chemin rural qui vient de Vidalou jusqu’à Grabielou et qui raccourcirait le trajet, le conseil trouve inutile de le faire entretenir. »
Un « Oui mais que faire ? » sortit de l’assemblée.
« - Souvenez-vous quand les ingénieurs militaires sont venus pour la création d’un champ de manœuvres, ils ont bien dit que le sous-sol était troué comme de la mie de pain et qu’il y avait de l’eau partout. Il faut la trouver.
  - Tu es bien malin, dit Marinotte, mais personne ici n’est sourcier.
  - Et bien nous irons chercher celui de Lalbenque, rétorqua Pieril. Il est paraît-il fameux. »

    Tout le monde se sépara en étant d’accord sur la démarche. Le sourcier arriva au Pech le lundi de Pâques et l’on vit un bonhomme se promener par les chemins, par les prés, par les champs, sa baguette de sourcier à la main jusqu’au moment où il marqua un temps d’arrêt au bas d’une vigne.
« - Là est de l’eau à un mètre sous terre. C’est une veine souterraine, on va la suivre. »
Il suivit ce filet d’eau caché, indiquant à chaque fois à quelle profondeur l’eau se trouvait, où il fallait creuser et s’il y avait des ramifications.
« - Ne croyez pas qu’il y ait beaucoup d’eau, dit-il, mais cette veine ne tarira jamais. »

    En effet, depuis lors, il y eut au Pech de l’eau pour tout le monde soit dans la cour de la maison, soit en bordure d’une terre ou d’un chemin. Oh ! pas de quoi la gaspiller, mais de quoi satisfaire les besoins de chacun.