Le moine 

Ce petit hameau de laboureurs survivait misérablement. Les maisons, plutôt les chaumières, s’alignaient sur une bande de terre rocheuse pour laisser libres les maigres terres pouvant être cultivées.
   
La pauvreté de ce lieu venait du fait que l’eau était rare sinon inexistante et les habitants ne pouvaient compter que sur les bienfaits du ciel pour pourvoir aux besoins des gens, des bêtes et des cultures. Mais cette eau céleste était capricieuse cette année là où la sècheresse était particulièrement cruelle. Les maigres ruisseaux n’avaient plus d’eau et même les sources du Mouillagol étaient taries.
   
Un groupe de ces pauvres gens alla trouver le seigneur des lieux, non pour chercher un secours, il était presque aussi misérable que ses sujets, mais un soutien moral ou plutôt un poids supplémentaire à leurs prières vers le ciel.
   
« - Pauvre gens, répondit-il, que puis-je faire pour soulager votre malheur ? Voyez autour de vous tout est brûlé par le soleil, les sources tarissent les unes après les autres et bientôt nous n’aurons plus d’eau pour abreuver nos bêtes. Même ce pauvre moine assis sur les marches a été obligé d’abandonner sa communauté faute d’eau pour survivre. Je ne pourrais même pas le garder au château tant la détresse est grande. »
   
Nos pauvres gens s’apprêtaient à repartir aussi désespérés qu’à leur arrivée. Tous passèrent devant ce moine lui demandant sa bénédiction qu’il leur accordait de bonne grâce. Le plus âgé du groupe, celui qui habitait tout au bout du hameau, devant la détresse de cet homme de Dieu lui dit :
«  - Pauvre homme, je vis seul en compagnie d’une vieille chèvre et de deux poules. Si tu veux partager notre misère et la mienne, suis nous. Je t’offre le peu que j’ai en attendant des jours meilleurs.
   - J’accepte de bonne grâce cette hospitalité et j’espère qu’elle vous sera rendue pour le bien de tous. »
    Tout en s’approchant du hameau ce saint homme de Dieu s’arrêtait  pour frapper du talon tantôt au bord du chemin, tantôt dans la cour d’une ferme ou sur la bordure d’un champ.
   
«  - Que fais-tu moine ? La faiblesse te fait perdre la raison ? Veux-tu te venger de cette terre ingrate en la frappant de ton pied ?
- Prie le bon Dieu avec moi et attends à demain. »
    Pendant la nuit un orage gronda sur ce paysage de misère, la foudre s’abattit plusieurs fois tout au long du chemin du Pech et jusqu’à la masure du pauvre homme.
   
Au matin ces pauvres gens qui avaient passé leur nuit de frayeur en prières constatèrent que partout où la foudre avait touché le sol un filet d’eau claire affleurait. Tout le monde alla trouver le moine pour avoir une explication de ce bienfait.
« - Vous m’avez offert l’hospitalité, vous alliez partager, avec moi, vos maigres ressources. Que pouvais-je faire, moi qui n’ai rien à partager, sinon intercéder auprès du Divin pour soulager vos misères.
  - Comment t’appelles-tu, moine, que nous puissions remercier par son nom un homme qui accomplit un si grand miracle.
  - Appelez-moi Fourques et laissez-moi poursuivre mon chemin solitaire. »
   
C’est depuis ce jour là que ce hameau de Mouillac a la particularité de compter autant de puits jamais taris.
    Et c’est depuis ce jour là que ce hameau, en reconnaissance, s’appelle Pech de Fourques.